La vallon de la Mariande est long, reculé et par conséquent resté très sauvage. Ici, pas de sentiers marqués au-delà du fond de vallon, par de refuge, pas de sommet renommé ou classique. Mais mazette, quelle beauté brute ! Au-delà du recul glaciaire, on admire le paysage quasi tel qu’il se présentait déjà plusieurs centaines d’années avant nous.
Au départ du Clot (hameau sous le village de Saint-Christophe en Oisans) vers 9h, il me faut d’abord descendre pour traverser le Vénéon, encore tumultueux et bien chargé malgré l’été déjà plus qu’avancé et une sécheresse prononcée. Quelle couleur !
Le sentier remonte ensuite bien raide dans les bois pour finalement traverser le ruisseau de la Mariande, et retrouver la jonction avec l’Alpe du Pin.
Dans le Verrou de la Mariande, passage raide donnant accès au vallon suspendu, je suis bloqué par un berger qui descend son troupeau de moutons. Après avoir pâturé dans le vallon lui-même, il les fera maintenant brouter vers l’Alpe du Pin.
Il me semble toujours incompréhensible qu’on autorise l’élevage et le pâturage dans un Parc National. C’est une activité humaine qui a un impact immense sur un environnement naturel dont la mission du Parc est de protéger et de sauvegarder. Comment expliquer qu’il soit (à juste titre !) interdit de cueillir une fleur ou de promener son chien parce que sa simple présence perturberait la faune dans les limites du Parc, alors qu’on fait venir des milliers de brebis brouter l’herbe et les arbustes, modifier le paysage, souiller les cours d’eau de leurs déjections, et encourager par leur présence les conflits avec la faune sauvage de prédateurs, qui elle est à sa vraie place. La faune sauvage a besoin d’espaces vraiment sauvages dont la faune domestique se devrait d'être exclue. Bref, c’est mon point de vue.
Je laisse donc passer ce troupeau avant de reprendre mon chemin. Le vallon est là.
Le sentier est encore plus ou moins marqué, mais assez vite il se transforme en vague sente, puis en rien-du-tout cairné dans la moraine pleine de ces cailloux légendaires de l’Oisans.
Au-dessus, l’Aiguille des Arias et son glacier, qui n’est plus guère vaillant.
Le Lac glaciaire de la Mariande est en plein milieu de ce terrain morainique, perché exactement à 2600m. Sa couleur est caractéristique des lacs glaciaires, où l’eau est chargée en minéraux drainés sur les cailloux, et qui reflètent la lumière de façon typique.
La suite du chemin se dévoile : il va falloir remonter à vue ce terrain de dalles/cailloux/barres rocheuses au-dessus du lac jusqu’au Col de la Haute-Pisse, 3038m. Plus de cairns ni de trace quelconque ici, c’est du terrain montagne.
Et tout en haut au centre, la Cime du Montagnon.
Malgré un petit vent bien présent sur la moraine, il fait bon au col, et ce jeune chamois profite des rayons du soleil.
Après une pause repas/photos/paysage, je reprends ma route vers la Cime du Montagnon. D’abord par un gros névé puis par le bas d’un couloir péteux et enfin par des rochers sur sa rive gauche, j’arrive au sommet par les derniers rochers brisés. Même si on ne dépasse jamais le niveau facile dans l’escalade, il faut constamment être attentif aux cailloux posés sur les rochers, pierres mobiles et autres chausse-trappes que la montagne propose ici. Et c’est d’autant plus vrai à la désescalade en descente.
Vue sur le côté Lanchâtra, avec la Muzelle qui occupe le terrain.
Vue sur le Nord, avec une bonne partie des sommets majeurs de l’Oisans.
Sur l’Est, la vue n’est pas mal non plus, et c’est l’Olan qui se détache bien.
Et là, c’est moi – 3263m.
Pourquoi la Cime du Montagnon est-elle un sommet important ? Parce qu’il est un nœud orographique, situé à la jonction de trois bassins majeurs : le vallon de la Mariande à l’Est, le Vallon de Lanchâtra à l’Ouest, et le Vallon de la Haute-Pisse, qui donne lui-même sur le Valjouffrey au Sud. La Cime du Montagnon est donc en quelque sorte au centre de ce trèfle à 3 feuilles.
De retour au Col de la Haute-Pisse j’utilise quelques névés pour gagner un peu de temps dans la descente. Mais il faut quand même un moment pour redescendre tout ce qui a été monté ce matin…
Et puisqu’on est dans la Mariande, il aurait été dommage de ne pas s’y baigner. Je m’arrête donc tout en bas, au niveau de la cascade pour une pause rafraîchissante avant de retrouver le parking, 7h après le départ.