Ce samedi matin, le ciel est finalement pas si mauvais que prévu. Et même les averses prévues pour l'après-midi sont finalement annulées. Après une petite grasse mat', on se dit qu'on irait bien au Mont Aiguille. Notre départ est tardif. Nous sommes à Richardière vers 10h30, et à l'attaque vers midi. Il reste pas mal de neige dans les pentes sous le bastion.
Le temps de s'équiper que nous prenons déjà des cailloux sur la tête par une cordée mal engagée au dessus. Ils se sont fourvoyés dès la première longueur. Ca nous permet de les doubler assez vite. C'est le genre de voie où l'on est plus serein sans personne au-dessus.
Les premières longueurs sont bien efficaces, et nous avançons tout à corde tendue dans les vires aériennes jusqu'à la Vierge. Le vieux câble est toujours là, mais dans quel état?
Dans le grand couloir donnant sur les vires du dessus, la neige est encore bien là. Cela permet de remonter en évitant le terrain instable et les éboulis de cailloux.
Nous passons les Vires à Meules, pour aboutir rapidement à la cheminée finale. Manque de pot, elle est encombrée par 1) de la neige au fond 2) plusieurs cordées qui se braillent dessus.
A peine engagé dans le bas de la Cheminée, une volée de cailloux est envoyée par les grimpeurs du haut. Une pierre me lèche affectueusement le poignet. Pas trop grave, mais on se met à l'abri. Emmanuelle reste sur la vire à couvert, alors que je me vache sous un ressaut sur le côté de la cheminée, en sécurité. Nous attendrons un moment comme ça, le temps qu'ils dégagent le terrain.
Nous repartons alors qu'ils ont un peu avancé.
Une deuxième salve de pierres est déclenchée depuis les grimpeurs déjà sortis de la cheminée, au sommet. Je me mets à l'abri et je vois les caillasses voler sur les suivants: Emmanuelle (qui est hors de ma vue, sous un ressaut de la cheminée), et les 2 grimpeurs doublés au début. J'entends un cri alors qu'Emmanuelle prend le caillou dans l'avant-bras. Les 2 grimpeurs me font signe que ça va.
Passablement énervé par ces grimpeurs qui nous mettent en danger depuis le haut, je n'ai plus qu'une idée en tête: sortir de ce guêpier le plus vite possible. Je double la cordée devant nous: ils sont décidément trop lents et ils nous mettent en danger.
Nous sortons par le flanc gauche du couloir, la voie classique étant enneigée. Terrain péteux plein de cailloux, mais en étant précautionneux ce n'est pas compliqué de ne pas en faire tomber, BORDEL.
Sur le relais, je fais monter Emmanuelle, qui a une douleur intense au bras: gros hématome et un peu de sang, mais pas de casse. Le bilan aurait pu être lourd.
L'un des grimpeurs de la cordée coupable lui offrira un Doliprane en compensation, après moult excuses...
Par une peu de marche, nous montons au sommet. Le vent du Sud est violent.
Hors de question de se taper les mêmes dangers à la descente dans les rappels: nous avalons un morceau au sommet, avec comme objectif d'engager la descente bien avant eux.
Le couloir des tubulaires, habituellement amas de cailloux mouvant est aujourd'hui intégralement en neige - heureusement molle!
Ancrés sur les piolets (obligatoires!) et encordés court, nous mettrons un moment à atteindre le premier rappel, qui passe sans encombres jusqu'à la neige.
Les suivants sont loin, pas de danger. On attaque sereinement le grand rappel de 40m en fil d'araignée, dans la faille.
Arrivés sur la neige en fond de faille et alors que nous lovons la corde, revoilà une salve de cailloux venue d'on-ne-sait-où qui nous arrive droit dessus. Les suivants sont loin, ça ne peut pas être eux, sûrement des animaux?
Cette fois-ci c'est moi qui prend: gros hématome sur le coude et le bras endolori, choc heureusement amorti par la veste. Pas de casse non plus cette fois, mais ça commence à bien faire.
Le fond de faille est enneigé et on passe la petite désescalade et la boîte aux lettres sans même les voir, tout est sous la neige.
Le plus rapidement possible, on dégage de l'endroit pour se retrouver plus peinard sur les névés de l'approche, à bonne distance de la falaise. A cette saison, le Mont Aiguille n'est pas purgé de sa neige, et encore moins de ses cailloux. Mais l'incident n'a pas gâché notre plaisir de parcourir ce beau sommet!